Milieux de vie institutionnalisés et bouc émissaire, Sébastien Pesce

Des « milieux de vie institutionnalisés » protégés du phénomène du bouc émissaire ?

une contribution rédigée par Sébastien Pesce

dans le chapitre « Des typologies pour une compréhension du bouc émissaire en institution ?»,

chapitre 4 du livre Bouc émissaire : le concept en contextes, dirigé par Rémi CASANOVA et  Françoise-Marie NOGUES,

publié aux PUS, en novembre 2018

 

Le texte commence par ceci :

« Le phénomène du bouc émissaire constitue une forme de violence « reconstructive du groupe » (Casanova, 2014, p. 38) qui en permet la survie, la pérennité : « le bouc émissaire est celui qui, au prix de son exclusion, est l’instrument de la réconciliation des membres du groupe » (ibid.). La dynamique du bouc émissaire suppose, dans la lecture qu’en fait Casanova, trois moments : « discrimination – stigmatisation – exclusion » (ibid.). Se joue au fil de ce processus un « calcul sacrificiel », un « calcul inconscient » (Girard, 2005, p. 170), permettant à un groupe de mettre fin à la discorde, de sortir d’une situation de crise, tout en préservant les mythes et les tabous de l’Institution.» 

et se termine par ceci :

« Les milieux de vie institutionnalisés disposent de ressources particulièrement précieuses pour prévenir l’accumulation de ces actes de discrimination qui prennent la forme de l’attribution de signes victimaires à l’un de ses membres, et pour prévenir l’emballement mimétique. Pour autant, les sujets n’échappent pas à leur condition d’Homme et aux invariants anthropologiques qui les déterminent. Ces outils de prévention sont puissants, pour peu qu’ils soient utilisés… et aussi longtemps qu’ils ne sont pas détournés pour autoriser, voire pour encourager le mécanisme du bouc émissaire qu’ils sont censés pouvoir contrôler. Car ce qui fait la force de l’Institution, son autonomie, sa légitimité, sa capacité à organiser et à réguler l’activité symbolique, est aussi ce qui la rend potentiellement dangereuse : son autonomie, son existence comme sujet d’énonciation, ce qui donne l’illusion d’une intention, d’une volonté de l’institution, tout cela décharge potentiellement les sujets de toute responsabilité lorsque se déploie le discours discriminant, stigmatisant, excluant, auquel peut alors être donné libre cours.»

 

On y trouve notamment :

« L’Institution autorise des appartenances multiples, la circulation entre les sous-groupes, les services, les fonctions ou les départements, reconnaît la variété des implications de chaque sujet. »

« L’enjeu de la symbolisation, dans le milieu de vie institutionnalisé, dépasse la seule question de la « mise en sens » de la discorde, de l’attribution négociée de significations, de valeurs, aux évènements critiques, selon des modalités (et grâce à un langage propre de l’Institution) qui opèrent comme des alternatives à la discrimination et à la stigmatisation.»

 

 

« Les établissements inscrits dans une tradition de pédagogie institutionnelle transposent à leur manière cette posture à la moindre de leurs décisions : c’est l’Institution, non les sujets, non les adultes, qui délibère, opère des décisions, les applique. »

                                                                                

Sébastien Pesce     

Sébastien Pesce évoque le bouc émissaire et les milieux de vie institutionnalisés

Sébastien Pesce évoque le bouc émissaire et les milieux de vie institutionnalisés

Après avoir été enseignant et éducateur, Sébastien Pesce est aujourd’hui Professeur des Universités, en Sciences de l’éducation à l’ESPE d’Orléans. Ses travaux portent sur la modélisation sémiotique des situations éducatives, la prévention de la violence et l’intervention socioclinique.

 

 

La description de la contribution de Sébastien Pesce : ICI